Le fractionné : à quoi ça sert et comment le faire?
Temps de lecture estimé : 10 minutes
Sommaire
ToggleIntroduction
Qu’importe la distance, travailler ses intensités est bénéfique pour progresser en course à pied. Mais quelle séance faire ? Pourquoi ? Comment ?
Dans cet article, je vais expliquer comment intégrer des séances de fractionné à votre entraînement en minimisant le risque de blessure.
Disclaimer
Ce que j’évoque ici est ce que j’ai appris au fil des années grâce à des articles scientifiques, des podcasts et autres. Différentes méthodes d’entraînement existent et je ne prône pas que la mienne est la meilleure. Cependant, ce que je décris ici est ce que j’applique à l’entraînement et qui me fait progresser.
Qu’est-ce que le fractionné ?
C’est une méthode d’entraînement qui alterne des périodes d’effort intense et des périodes de récupération. L’objectif dans cette pratique est d’améliorer sa VO2max.
VO2max?
= Volume d’Oxygène Maximal consommé. En gros, c’est la quantité maximale d’Oxygène (O2) que le corps peut utiliser pendant un effort. On l’exprime généralement en valeur relative à la masse du corps (mL/min/kg).
Lors d’un effort, l’organisme va utiliser davantage d’oxygène pour répondre à la demande énergétique liée à l’activité musculaire. Cette augmentation résulte d’adaptations physiologiques au niveau des systèmes cardiovasculaires et respiratoires. La consommation en O2 augmente proportionnellement avec l’intensité de l’exercice jusqu’à atteindre un plateau correspondant à la VO2max.
Pourquoi travailler sa VO2max ?
Imaginez que votre corps est une voiture. Plus le moteur de votre voiture est puissant, plus il pourra potentiellement aller vite. Donc, plus vous allez travailler votre VO2max, plus celle-ci va augmenter progressivement, et plus vous serez capable de consommer de l’O2, ce qui fournira davantage d’énergie à votre corps.
Comment travailler cette VO2max du coup ?
En faisant de l’intensité et donc du fractionné. Mais la VO2max est un indicateur que l’on peut relever uniquement en laboratoire via un test d’effort. On utilise donc une autre donnée pour travailler nos intensités : la VMA (= Vitesse Maximale Aérobie).
C’est la vitesse associée à la consommation maximale d’oxygène. On peut simplifier en disant que si on est à VMA, on est à 100 % de VO2max. Voilà pourquoi on utilise cette donnée brute en course à pied.
Comment calculer sa VMA ?
Il existe différents tests possibles pour calculer sa VMA. Mais le plus fiable et le plus utilisé dans le milieu reste : le test demi-Cooper. Ce dernier consiste à courir la plus grande distance possible en 6 minutes. Cette distance correspond à la VMA, soit le nombre de mètres parcourus divisé par 100.
Exemple : 1500 mètres parcourus en 6 minutes → VMA = 1500/100 = 15 km/h.
La VMA est une vitesse qui se travaille et qui peut augmenter. Travailler en intensité va permettre de travailler sa VMA et donc sa VO2max (ce qui a été expliqué plus haut).
Source : YouTube – Musse, Autour du trail
Définition des différentes zones d’intensité :
La donnée que j’utilise le plus à l’entraînement est la fréquence cardiaque. Pour la mesurer, il existe différents outils plus ou moins fiables. Le cardiofréquencemètre est le plus fiable, mais peut occasionner une gêne pour certains. Moi, je n’en porte pas par exemple car je suis très sujette aux frottements. La deuxième option, moins fiable mais plus que la montre, est le brassard, et en dernier la montre.
Certaines montres sont plus fiables que d’autres. Personnellement, j’utilise ma montre. J’ai également fait un test de comparaison de ma FC sur une sortie avec le brassard de la marque Coros et ma montre (Forerunner 245 de la marque Garmin), et il s’avère que ma fréquence cardiaque était la même durant la sortie. C’est pour cela que, pour le moment, j’utilise encore cette donnée. Il faut être conscient que ça reste approximatif d’autant plus qu’il existe des dérives cardiaques, mais à partir du moment où vous vous connaissez, et que vous fonctionnez également avec le ressenti, c’est plus simple.
Il existe donc différentes zones d’intensité, que je découpe en 4. Et pour faire simple, je vais schématiser cela.
Fig.1 : Schéma des différentes zones d’intensités
Explication :
- Zone 1 : correspond à la zone d’endurance fondamentale. Comme expliqué dans cet article (Mes 5 conseils pour progresser en course à pied) sur la partie EF, cette zone se situe en dessous du seuil ventilatoire 1 (SV1). Si on veut mettre une donnée, en utilisant la FC on peut situer généralement l’EF en dessous de 140 bpm en moyenne (bien sûr, ça varie d’une personne à l’autre et il vaut mieux la calculer grâce à la formule de Karvonen).
- Zone 2 : se situe entre le SV1 et la vitesse critique (mince, un nouveau terme, qu’est-ce que c’est ? Je t’explique juste après). Cette zone, je la définis comme étant une zone d’allure spécifique (allure marathon ou semi-marathon, par exemple). Concrètement, je ne travaille que très rarement dans cette zone, sauf si je prépare un marathon ou un semi-marathon.
- Zone 3 : correspond à la zone entre la vitesse critique et la VO2max. C’est donc une zone à haute intensité que je travaille principalement (je vais t’expliquer pourquoi ensuite).
- Zone 4 : est la zone supra-maximale, qui se situe au-dessus de la VMA. On travaille très peu dans cette zone, mais ça peut parfois arriver.
Qu’est-ce que la Vitesse Critique?
C’est une vitesse qui délimite une zone d’état stable à un état non stable, c’est-à-dire que l’ensemble des paramètres physiologiques vont tendre vers des valeurs minimales à maximales lorsque l’effort est maintenu au-dessus de la vitesse critique (la lactatémie va tendre vers ses valeurs max, la VO2max également, etc).
Pourquoi c’est un bon indicateur ?
Elle est définie uniquement à partir de performances chronométrées réalisées par l’athlète. Il suffit d’un calcul mathématique pour la déterminer. C’est donc une mesure objective. Cette vitesse critique est située entre 85 et 90 % de la VMA, soit une allure proche d’une allure 10 km.
L’entraînement polarisé
C’est un modèle que j’adopte depuis plusieurs années et qui consiste à s’entraîner 80% en endurance fondamentale (zone 1) et 20% en intensité.
Mais en intensité, quelle zone travailler ?
Personnellement, je travaille majoritairement dans la zone 3. Travailler dans cette zone a plusieurs bienfaits, notamment d’optimiser son coût énergétique ainsi que la puissance de votre moteur. Le travail se fait à haute intensité, ce qui permet d’optimiser la capacité de l’organisme à utiliser de l’oxygène (augmentation du nombre de mitochondries, meilleur transport de l’O2 dans le sang, meilleur transfert de l’O2 du sang vers les muscles, etc.).
Utilité de travailler en zone 2 et 4 ?
Comme évoqué précédemment, la zone 2 n’est pas une zone dans laquelle je travaille majoritairement. En effet, cette zone est une zone d’allure spécifique (que certains appellent seuil, mais je préfère le terme d’allure spécifique), comme par exemple les allures sur marathon ou semi-marathon. Ainsi, si je prépare une de ces courses sur route, je vais faire des séances spécifiques et donc travailler dans cette zone.
Il faut définir vos objectifs, car même si vous préparez un marathon, l’ensemble de vos séances de fractionné ne doit pas se faire uniquement dans cette zone. Il est important de travailler la zone 3 pour tous les bénéfices cités précédemment.
La zone 4 ou zone supra-maximale est également une zone dans laquelle je ne m’aventure que très peu. C’est une zone où la filière anaérobique va être prédominante. Ça permet donc d’améliorer ces filières, c’est-à-dire celles qui fournissent de l’énergie aux muscles sans utiliser l’oxygène. Elle est intéressante à travailler pour développer les filières anaérobies et est davantage utilisée pour des efforts très courts, inférieurs à 6 minutes.
Comme je m’entraîne pour des efforts longs, cette zone n’est pas intéressante à travailler dans mon cas.
Mais comment savoir dans quelle zone on se situe à l’entraînement ?
ZONE 1 = en dessous du SV1, soit en dessous de 50-65 % d’intensité
ZONE 2 = comprise entre 50-65 % et 90 % d’intensité
ZONE 3 = comprise entre 90 % et 100 % d’intensité
ZONE 4 = au-dessus de 100 % d’intensité
Pour déterminer ta FC cible pour chacune des zones, il est possible d’utiliser la formule de Karvonen, qui reste approximative mais assez fiable. C’est ce que j’utilise moi.
Cette formule est la suivante :
FC cible = (FC max – FC repos) × % intensité + FC repos
Si on prend mon exemple, voici ma délimitation de zones :
Fig.2 : % d’intensité et FC associée à chacune des zones d’intensité. FC cardiaque calculée avec la formule de Karvonen correspondant à Manon Baudry (moi).
⚠️ Attention, c’est mon tableau avec mes valeurs et ma FC cible à moi que j’ai calculée. Il est personnel et n’est pas le même pour vous.
Certains définissent ces zones en % VMA. Moi, je les définis en % d’intensité, car je trouve cela plus fiable. En effet, quand on parle d’amélioration physiologique, la donnée propre à utiliser reste l’intensité d’effort. Un % de VMA reste approximatif par rapport aux effets physiologiques recherchés. Ça permet d’être plus précis pour cibler une intensité physiologique spécifique. En plus de cela, ça permet d’adapter les allures en fonction de la forme du moment et de la progression au cours d’un programme d’entraînement.
Par exemple : si tu as un programme d’entraînement établi sur plusieurs mois, ta VMA peut évoluer au cours de ces mois, et travailler en % VMA ne permet pas d’adapter tes allures en fonction de l’évolution de ton niveau, contrairement à l’utilisation du % d’intensité, où tes allures s’adapteront naturellement.
Il est possible de définir des zones en % de VMA, mais les effets physiologiques sont plus approximatifs. À vous de décider ce que vous préférez.
Si on définit ces zones en % VMA, voici ce que ça donnerait :
ZONE 1 = en dessous du SV1, soit en dessous de 60 % VMA
ZONE 2 = comprise entre 60 % et 85-90 % de VMA
ZONE 3 = comprise entre 85-90 % et 100 % VMA
ZONE 4 = au-dessus de 100 % VMA
Voici un tableau récapitulatif des différentes zones en % d’intensité, % VMA et les durées possibles à tenir pour chacune des zones :
Fig.3 : % d’intensité, % de VMA et temps de maintien associée à chaque zone d’intensité.
Exemples de séances types que je peux réaliser :
- Des séances de 400 m à vitesse critique, donc 90 % d’intensité. Le nombre de répétitions peut varier (un débutant en fera moins qu’un coureur régulier).
Moi : 10 × 400 m à 3:55/km (allure calculée à partir de ma VMA de 17 km/h). - Des séances de 1000 m à vitesse critique (le nombre de répétitions varie en fonction de votre niveau).
Moi : 5 × 1000 m à 3:55/km. - Des 1’x1’, c’est-à-dire 1 minute d’accélération et 1 minute de repos (où je continue à courir, mais très lentement) à VMA (nombre de répétitions qui varie selon le niveau).
Moi : 2 × 6 × (1’ × 1’) à 3:30/km.
Pour conclure
Que ce soit pour la course sur route ou le trail, faire du fractionné est bénéfique pour progresser, même en ultra où l’on aurait plus tendance à travailler en zone 1. Sur piste, sur sentier, en côte, il faut savoir travailler dans sa bonne zone d’intensité. Il ne faut surtout pas en abuser non plus et ne faire que du fractionné (je rappelle l’importance de l’entraînement polarisé, où la zone 1 (EF) est prédominante). Le but est de progresser sans se blesser.
Parfois, dans les clubs d’athlétisme ou de trail, il y a en moyenne deux séances de fractionné dans la semaine. Il faut savoir adapter ce programme : ce n’est absolument pas obligatoire de participer à toutes les séances, et si vous le faites, pensez à votre volume hebdomadaire et adaptez-le en conséquence (ne commencez pas la course à pied en passant de 0 km par semaine à 100 d’un coup pour suivre les copains du club, non). Pareil pour les programmes gratuits sur Internet utilisés pour essayer de se construire un semblant de prépa : souvent, ces programmes ne prennent pas en compte vos données (VMA, vitesse critique, etc.) et vous pouvez travailler dans les mauvaises zones d’intensité, ce qui augmente le risque de blessure.
Ce que je conseille à un débutant en course à pied : allez-y progressivement. Tous vos premiers footings doivent se faire dans la zone 1 (EF) pour habituer votre corps aux contraintes. Commencez par des sorties courtes (on s’en fiche de faire seulement 2 km et pas 10 comme tout le monde sur Strava au début), puis progressivement, vous pourrez augmenter le nombre de séances par semaine (1, 2 puis 3), avec toujours un jour de repos entre chaque. Par la suite, vous pourrez commencer à intégrer une séance de fractionné (2 sorties en EF + 1 séance de fractionné), qui s’intercale entre les deux sorties EF. Mais rapprochez-vous de personnes compétentes pour vous renseigner sur le type de séance à faire. Ne faites pas cela aléatoirement : le but est de faire un travail qualitatif et de minimiser le risque de blessure.
En tout cas, n’hésitez pas à me contacter pour des conseils, et si vous souhaitez mettre en place un programme d’entraînement spécifique.
Bonjour Manon, merci pour ces explications pertinentes. Quand il est question de %d’intensité, c’est le RPE dont il est question, de la vitesse ou bien de la FC ?
Merci !
Bonjour Killian, merci pour ton retour.
Lorsque je parle de %d’intensité, cela correspond à un % de VO2max mais étant donné que ce paramètre (VO2) ne peut être calculé qu’en laboratoire, j’utilise personnellement la méthode de Karvonen qui fait le lien entre le %d’intensité et une Fréquence Cardiaque cible. J’ai notamment fais ce lien avec le schéma 2 dans l’article où j’ai calculé ma FC cible pour chacune des zones en fonction du %d’intensité. J’espère que c’est clair. Merci!