Le syndrome de RED-S
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Sommaire
ToggleDisclaimer : je ne suis absolument pas professionnelle de santé ni spécialisé dans ce type de syndrome. Si vous rencontrez ce type de problème, je vous conseil de vous rapprocher de professionnels de santé spécialisé dans ce domaine qui pourront vous accompagner et vous aider.
Introduction
Après avoir lu différents articles et témoignages sur le surentraînement et le syndrome de RED-S, j’ai décidé d’écrire un article sur chacun de ces sujets, car ils sont très importants à connaître lorsqu’on pratique une activité sportive. Peu importe notre niveau : nous pouvons tous être concernés.
Dans cet article, je vais uniquement parler du syndrome de RED-S. Un autre article est déjà en ligne concernant le surentraînement (lien). Il faut bien noter que ce sont deux syndromes différents : même s’ils ont des symptômes communs et qu’il est possible de cumuler surentraînement et RED-S, leur origine n’est pas la même.
Qu’est-ce que le syndrome de RED-S ?
Le syndrome de déficit énergétique relatif dans le sport (RED-S) est un trouble lié à une disponibilité énergétique insuffisante (apports < dépenses), entraînant une altération du fonctionnement physiologique et psychologique chez les sportifs, hommes comme femmes. Il affecte de nombreux systèmes : métabolisme, reproduction, ossature, immunité, masse musculaire, humeur et performance.
Ce terme apparaît pour la première fois en 2014, introduit par le Comité International Olympique. Le concept s’appuie sur la « triade féminine », ce qui explique pourquoi ce syndrome a longtemps été associé essentiellement aux femmes. Cette triade regroupait trois éléments : faible disponibilité énergétique, troubles menstruels et altération de la santé osseuse.
Le CIO a introduit le terme RED-S en observant que des athlètes (femmes et hommes) présentaient des signes liés à une faible disponibilité énergétique (fatigue persistante, blessures de stress, infections, baisse de performance) sans forcément répondre aux trois critères de la triade. Le modèle de la triade, limité aux femmes, ne rendait pas compte de tous les systèmes affectés (cardiovasculaire, immunitaire, endocrinien…).
Qui touche-t-il ?
Contrairement à une idée persistante, le RED-S concerne aussi bien les femmes que les hommes.
Pourquoi est-il davantage associé aux femmes ?
A cause de son origine liée à la triade féminine et parce que les troubles menstruels sont un indicateur très visible chez les femmes, ce qui facilite le diagnostic.
Chez les hommes, il n’existe pas d’indicateur aussi évident. Les signaux sont plus subtils : baisse de libido, irritabilité, fatigue, baisse de testostérone… et passent donc plus facilement inaperçus.
Pourtant, les mécanismes hormonaux sont universels : une baisse d’énergie disponible peut entraîner une diminution des hormones sexuelles (testostérone, œstrogènes/progestérone), une modification des hormones thyroïdiennes, une augmentation du cortisol, une diminution de la synthèse protéique et du métabolisme de base.
Les conséquences métaboliques sont similaires pour les deux sexes : fatigue chronique, baisse de performance, risque de fractures, troubles de l’humeur, baisse d’immunité, perte de masse musculaire.
Pourquoi les femmes semblent-elles plus sujettes au RED-S ?
Dans le podcast ‘Courir Mieux’ de Cyril Forestier, Manon Dauvergne (kinésithérapeute et doctorat en sciences du sport) explique clairement pourquoi :
« Les femmes ont un système reproducteur plus élaboré, qui demande plus d’énergie, donc les femmes ont besoin de plus de disponibilité énergétique que les hommes »
Cela ne veut pas dire que les femmes sont plus sujettes, mais que leur système reproducteur, très sensible aux variations d’énergie, réagit plus vite.
Lorsque l’énergie vient à manquer, le corps coupe rapidement les fonctions non vitales : le cycle menstruel est souvent le premier touché, bien avant des conséquences osseuses ou métaboliques sévères.
Les hommes, eux, peuvent conserver une fonction reproductive « normale » plus longtemps malgré un déficit énergétique.
Ainsi, les femmes sont plus facilement diagnostiquées, mais les hommes sont tout autant concernés — le dépistage est simplement plus compliqué.
Quelles sont les causes du RED-S ?
Le RED-S provient d’une faible disponibilité énergétique (Low Energy Availability, LEA) : l’énergie restante après l’entraînement est insuffisante pour assurer les fonctions physiologiques essentielles (croissance, immunité, reproduction, etc.).
Cette LEA peut résulter :
• d’apports alimentaires insuffisants,
• ou d’une dépense énergétique élevée non compensée.
Plusieurs facteurs favorisent cette situation :
• un entraînement volumineux ou intense sans récupération adaptée,
• des sports à forte dépense énergétique ou valorisant la minceur,
• une alimentation insuffisante (restriction volontaire ou planification inadaptée),
• des troubles du comportement alimentaire,
• des périodes de vulnérabilité (croissance, phases d’entraînement intensif, changement de rythme de vie),
• des facteurs modulateurs : stress, mauvais sommeil, blessures, infections.
Même si la LEA est le principal déclencheur, sa durée et sa répétition, ainsi que l’interaction entre facteurs hormonaux, immunitaires et osseux, influencent la gravité du syndrome.
Le rôle des glucides
Le déficit énergétique est la cause principale du RED-S, mais le manque de glucides joue un rôle central.
Selon Stellingwerff et al. (2021), un déficit glucidique favorise fortement le RED-S. Les glucides sont essentiels pour la performance et la santé des athlètes d’endurance.
Les entraînements à jeun ou les apports insuffisants pendant les longues séances sont identifiés comme des facteurs de risque selon eux.
Cependant, un déficit énergétique peut exister même sans ces pratiques.
Les conséquences du RED-S
- Perturbations endocriniennes et reproductives
RED-S entraîne des dérèglements hormonaux chez les deux sexes : baisse des hormones sexuelles, altération de l’axe hypothalamus-hypophyse.
Chez les femmes : aménorrhée, cycles irréguliers, troubles de la fertilité.
Chez les deux sexes : baisse de libido, perturbations thyroïdiennes ou surrénaliennes.
- Santé osseuse
Le déficit énergétique réduit la densité minérale osseuse, augmente le risque d’ostéopénie/ostéoporose et les fractures de stress. Certaines pertes osseuses peuvent être partiellement irréversibles si le traitement tarde.
- Métabolisme et fonctions physiologiques
On observe une diminution du métabolisme de base, une baisse de l’immunité (infections plus fréquentes, récupération plus longue), un risque cardiovasculaire accru, et parfois des anémies.
- Performance sportive
Le RED-S diminue la force musculaire, la coordination, la vigilance, augmente le temps de récupération et réduit la capacité à s’entraîner efficacement.
Le déficit énergétique prolongé crée un effet cumulatif sur la performance.
- Effets psychologiques
Troubles de l’humeur, anxiété, baisse de motivation, image corporelle perturbée.
Ces effets peuvent être cause et conséquence du RED-S.
Les conséquences sur le long terme
Le RED-S peut altérer durablement la performance sportive. Certains athlètes ne retrouvent jamais leur niveau initial.
La santé générale peut être impactée à long terme : risques de fractures, problèmes osseux chroniques, troubles hormonaux persistants.
Fig.1 : Schéma extrait de Mountjoy et al., (2023).
Comment prévenir ce type de syndrome ?
- Assurer une disponibilité énergétique suffisante
Adapter les apports alimentaires aux charges d’entraînement.
Éviter les régimes restrictifs et les entraînements répétés à jeun.
Les jours de grosse dépense énergétique nécessitent plus de glucides.
- Surveiller les signaux corporels
Signes précoces : fatigue disproportionnée, baisse de performance, mauvaise récupération, troubles du sommeil, irritabilité.
Femmes : cycle menstruel = indicateur clé.
Hommes : libido, énergie instable, fatigue chronique.
- Prioriser la santé osseuse, hormonale et immunitaire
Bilan sanguin régulier, surveillance ferritine/thyroïde/hormones, vigilance sur les fractures de stress, densitométrie si nécessaire.
- Un entraînement structuré
Inclure des semaines allégées, éviter les progressions trop rapides, adapter l’alimentation avant d’augmenter la charge, respecter le sommeil et la récupération.
- Construire un environnement sportif sain
Favoriser le dialogue, éviter les messages toxiques (« plus léger = plus performant »), valoriser la récupération autant que l’entraînement.
- Éduquer athlètes et coachs
Comprendre les besoins énergétiques, l’importance des hormones et des glucides, et les signaux d’alerte.
Comment soigner le RED-S ?
- Restaurer l’apport énergétique
Augmenter les apports caloriques (surtout glucidiques), multiplier les repas et collations, adapter les apports les jours intenses.
C’est la mesure la plus efficace pour normaliser hormones, cycle menstruel, os et performance.
- Réduire temporairement la charge d’entraînement
Réduire intensité et volume, supprimer les séances inutiles, conserver du renforcement léger.
- Restaurer la santé hormonale
Les hormones se normalisent lorsque l’énergie disponible remonte.
Les contraceptifs ne résolvent pas la cause, ils masquent.
- Suivi avec un·e diététicien·ne du sport
Adapter l’alimentation, sécuriser les apports en glucides, calcium, vitamine D, fer, protéines, travailler sur la peur de manger si nécessaire.
- Accompagnement psychologique
Si restriction alimentaire, peur de prise de poids ou dépendance à l’entraînement : soutien psychologique recommandé.
- Suivi médical
Bilan hormonal, densité osseuse, surveillance des carences, accompagnement de la reprise.
Existe-t-il un diagnostic précis et complet ?
Il n’existe pas un test spécifique du RED-S, mais plutôt un ensemble d’indices cliniques, hormonaux, nutritionnels et fonctionnels qui permettent de poser un diagnostic fiable.
Le RED-S se reconnaît donc par la cohérence globale du tableau : symptômes + analyses + comportements + impact sur la santé et la performance. C’est cette approche multidimensionnelle qui permet au corps médical d’identifier avec précision le syndrome et de guider l’athlète vers un traitement adapté.
Conclusion
Le syndrome de RED-S résulte d’un apport énergétique insuffisant et peut toucher aussi bien les femmes que les hommes. Même si le diagnostic est souvent plus facile chez les femmes, les hommes peuvent être tout autant concernés. Connaître ce syndrome — ainsi que le surentraînement — est essentiel pour pratiquer un sport de manière saine et durable.
Cet article ne remplace pas un diagnostic médical. Si vous vous reconnaissez dans ces symptômes, faites-vous accompagner par des professionnels.
Prenez soin de vous.
Sources scientifiques
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