Le Dernier Homme Debout :
A la fin il n'en restera qu'un

Préambule

Septembre 2024. Je découvre le concept de cette course dont l’intitulé fait un peu peur : Le Dernier Homme Debout (LDHD), par le biais d’Alex, mon copain, qui est un adepte de ces formats (il en est à sa quatrième et en a déjà remporté une). Quand il m’explique le concept, je me dis : « Faut être fou pour vouloir faire la même boucle pendant des heures et des heures, jamais je ne ferai ça. » Juste avant de partir vivre à La Réunion, je l’accompagne sur cette course pour l’encourager et lui faire son assistance. J’accroche un peu plus avec le concept et me dis que, s’il en refait une un jour, peut-être que je l’accompagnerai.

Le concept

Il s’agit d’une course à élimination, où le but est donc d’être le dernier à tenir pour remporter la course. La boucle fait 7,7 km et 230 m de dénivelé positif. Il faut la terminer en moins d’une heure pour pouvoir prendre le départ de la suivante, sinon on est éliminé. Le maximum de boucles réalisables est de 24, soit 24 h, 185 km et 5520 m D+. S’il reste encore des coureurs sur cette dernière boucle, c’est le plus rapide qui l’emporte. Oui, c’est vraiment un concept un peu barbare, où il faut se battre contre soi-même et contre les autres. Le moindre petit pépin, et c’est la fin assurée.
Petite info en plus : à la fin de la 8 boucle, nous avons le droit à une assistance personnelle (dans la zone de ravitaillement) et les bâtons sont autorisés (nous courons sans bâtons).

Cette année, Alex me dit qu’il veut retourner faire cette course, la même (à Malestroit, en Bretagne). Il en existe plusieurs en France, et celle-ci est la bretonne. Voici leur site : https://ledernierhommedebout.run/
Je décide également de m’inscrire pour tenter l’expérience. Cette année, la course tombe en octobre (un mois plus tard que l’année dernière). C’est la deuxième édition, et elle s’intègre parfaitement à nos calendriers de course. C’est très certainement la dernière de la saison, j’en serai à mon 7 dossard.

Comment se prépare une telle course?

Comme le concept est particulier, que je ne connais pas du tout ce format et que je ne sais pas trop à quoi m’attendre côté terrain, je décide de le prendre à la légère, sans me fixer de gros objectifs ni de grandes ambitions. Au moment de l’inscription, j’avoue que je voulais viser une belle performance (un top 5, voire un podium). Mais au fur et à mesure que l’échéance approchait, ça a switché : je ne connais vraiment pas ce format, je ne sais pas si je vais aimer cette même boucle à répétition, alors je décide d’aborder la course de façon beaucoup plus légère, sans me fixer d’objectifs précis.
Je pense tout de même faire au minimum 7 boucles.
La motivation première reste de pouvoir partager cette expérience du début à la fin avec Alex, puisque c’est l’unique course que nous pouvons faire au même rythme.

Je n’ai donc pas vraiment réfléchi à une préparation particulière pour cette course. J’ai continué comme d’habitude à m’entraîner, à accumuler des kilomètres et du dénivelé chaque semaine. Six semaines avant, nous avons fait un gros pic d’entraînement en réalisant le GR20 en six jours (LIEN), ce qui a bien préparé les jambes. Mais cette course est différente d’un trail en montagne : il faut courir beaucoup, sans grandes pauses, et enchaîner les kilomètres en restant le plus régulier possible. Les quelques séances d’intensité effectuées en vue du semi-marathon deux semaines avant la course ont aussi joué dans la préparation.

J’arrive donc à cette course avec un bon volume et du D+ dans les jambes, et je me dis que j’aimerais quand même faire 70 km (soit 9 boucles) si tout va bien.

Déroulé de la course

Samedi 18 octobre 2025
Malestroit. Le gymnase qui nous accueille est déjà bien rempli. Cette année, nous sommes 288 au départ, dont 30 femmes. Il y a une centaine de personnes de plus que l’année passée, et j’ai un peu peur des bouchons qui pourraient nous faire finir hors délai sur les premières boucles.
Nous retrouvons Baptiste, venu nous encourager toute la journée — un grand merci à lui ! On prépare nos affaires, on dépose tout sur notre banc (chaque coureur peut poser ses affaires sur un banc et y passer à chaque fin de boucle avant de se remettre sur la ligne de départ).
10h50 : le départ est donné. Pour cette première boucle, nous avons 1h10. Cela permet à tout le monde de s’approprier la boucle et de prendre des repères. Mais attention, car à partir de la seconde, c’est 1 h pile — pas une seconde de plus.
J’observe tout le monde autour de moi et me dis qu’on est sacrément nombreux pour ce type de format. Nous retrouvons Erwan, un coureur qu’Alex avait rencontré l’année passée sur cette même course.
On discute ensemble et entamons cette première boucle sereinement. Le début est simple : une route qui monte avant d’arriver sur un chemin forestier, puis un single où les bouchons commencent. Nous sommes à l’arrêt et marchons plusieurs mètres. Ce n’est pas très agréable, et j’espère que ça ira mieux les prochains tours.
Nous terminons la boucle en 1h03. Je suis stressée pour la deuxième, car on aimerait les faire en 56-57 minutes pour avoir le temps de remplir nos flasques au ravitaillement (situé à la fin/début de chaque boucle, dans le gymnase).

2 boucle – 7,7 km – 230 D+ :
On accélère le début pour éviter les bouchons. Il y en a toujours un peu au même endroit, mais sans trop de difficultés. On termine la boucle en 57:18.

3 boucle – 15,5 km – 460 D+ :
Je n’en garde pas un bon souvenir. Au départ, ça part très vite, on se fait bousculer, et je comprends que les gens en ont marre des ralentissements et ont peur du timing — normal. On passe la première partie dans les bouchons, puis on accélère fortement sur la seconde pour arriver dans les temps.
Je dis à Alex en fin de boucle : « Je crois que je n’aime pas. Il y a trop de monde, ça se pousse, j’aime pas ça, ça me stresse. »

4 boucle – 24 km – 690 D+ :
Pas grand-chose ne change : toujours du monde, toujours du stress sur le timing. J’ai hâte qu’il y ait moins de coureurs pour trouver mon rythme et prendre plus de plaisir. À la fin de cette boucle, un copain d’Alex est présent pour nous encourager en plus de Baptiste. C’est hyper motivant et ça fait plaisir de les voir.

5 boucle – 30,5 km – 920 D+ :
Je remarque qu’il y a toujours autant de monde. Le niveau est clairement plus élevé que l’année passée. Je commence à sentir les jambes tirer un peu, mais je ne m’inquiète pas trop : ces sensations, je les connais et sais passer au-dessus. En revanche, la monotonie de la boucle et le fait d’être constamment les uns derrière les autres me font douter du nombre de boucles que je vais pouvoir tenir. Je me concentre sur l’instant présent. Les bouchons sont moins conséquents, c’est déjà plus agréable. Guillaume, un ami, nous dit au passage qu’il s’en va, car il a un trail dans le coin.

6 boucle – 39 km – 1150 D+ :
Je commence à fatiguer et me dis que 7 boucles, c’est quand même beaucoup, et que je ne sais pas si je tiendrai jusque-là. Tous les débuts de tours sont compliqués mentalement. Mais au milieu de la boucle, ça va mieux, je retrouve un bon rythme à chaque fois. Sur la fin, Alex accélère pour avoir le temps de passer aux toilettes : il commence à avoir de petites crampes d’estomac (pas rassurant, connaissant ses soucis digestifs sur ultra).

7 boucle – 48 km – 1430 D+ :
Certainement la plus difficile. Je dis directement à Alex que j’en ai marre. Je peine mentalement sur la première partie, mais je sais que sa famille doit arriver sous peu pour nous voir, alors je tiens bon. Comme à chaque fois, la seconde partie se passe mieux : je relance bien et avance à bon rythme. En fin de boucle, Alex s’arrête, pris de fortes crampes d’estomac, et sa course tourne mal. Dans ma tête, ça switch : j’ai un regain d’énergie et doit encourager et soutenir Alex. Je mets du rythme et le motive à me suivre pour vite terminer la boucle et qu’il puisse retourner aux toilettes. Sa famille est là, encore plus de motivation à continuer.

8 boucle – 56 km – 1660 D+ :
Je démarre sans Alex, il est encore aux toilettes (oups) en espérant qu’il prenne quand même le départ et me rattrape. Cette course, c’est ensemble, je n’envisage pas de terminer sans lui. Je suis stressée, je regarde souvent derrière moi. Avant la moitié de la boucle, je l’entends : il m’a rattrapée ! Je suis soulagée. Il va un peu mieux, et nous avançons ensemble jusqu’à la fin. Nous voyons sa famille et Baptiste, ce qui fait du bien au moral.

9 boucle – 65 km – 1930 D+ :
La 8 s’étant bien passée, je garde ce pic d’énergie et décide de continuer, mais je sens rapidement que ce sera ma dernière. À chaque boucle, je regarde combien il reste de filles : nous sommes encore plus de dix à repartir. L’année dernière, il ne restait plus qu’une seule femme à la 9. Le niveau est clairement monté. Je n’arrive pas à trouver la motivation pour me battre pour une ou deux places — finir 9 ou 6 ne change pas grand-chose pour moi. Je dis à Alex que je m’arrêterai à la fin de la boucle. Mon objectif est rempli : plus de 70 km, les jambes tirent, il fait nuit, ce n’est plus trop une partie de plaisir.
Sur cette boucle, je remarque qu’on prend du retard (on connaît les repères maintenant). En fin de boucle, nous avons 2 min 30 de retard — d’habitude, nous bouclons en 57 min. Je dis à Alex qu’il faut accélérer pour terminer dans l’heure et qu’il puisse repartir. Il me dit qu’il n’arrivera pas à aller plus vite ; je passe devant et lui dis de me suivre. Sur le dernier kilomètre, je donne tout pour le motiver. Nous arrivons avec une petite minute d’avance.
Je décide de m’arrêter là. Je vois que je suis 8 et me dis que gagner une ou deux places ne m’intéresse pas plus que ça. Je suis ok avec ma décision.
Je motive Alex à repartir. Il me demande de l’accompagner ; j’hésite tant il insiste, mais je finis par renoncer — je suis fatiguée.

72 km et 2200 D+ sur une même boucle, c’est un bel objectif rempli. Je suis satisfaite de ma course, compte tenu des difficultés et des appréhensions. Je suis contente d’avoir participé à un format pareil : c’est tellement différent d’une course en ligne ! Ici, pas d’erreur possible ni de petit pépin, sinon c’est fini. Les ravitaillements sont express : en arrivant deux minutes avant le départ suivant, il faut être organisé et efficace. Au moins, ça ne me laissait pas le temps de réfléchir à si je repartais ou non.
La plus grosse difficulté aura été la monotonie de cette même boucle. Parfois ça passait vite, d’autres fois, je trouvais ça interminable. Le monde aussi a beaucoup joué : sur le papier, 288 personnes, ce n’est rien, mais sur une même boucle étroite, c’est vite compliqué à gérer — surtout quand le stress du timing pousse tout le monde à se bousculer un peu.
Le plus important reste que c’est une aventure que l’on a pu partager à deux, ce qui est rare en course. J’ai découvert un nouveau concept et appris de nouvelles choses sur la gestion de l’effort.
Très contente de voir que mon corps encaisse désormais bien plus de kilomètres qu’en début d’année.

Pour Alex, ses problèmes l’ont contraint à s’arrêter à la fin de la 10 boucle. Sachant cela, je regrette un peu de ne pas avoir tenté la dixième avec lui. Ce fut une chouette aventure, et c’est toujours motivant de participer à des courses différentes.

Peut-être qu’un jour je m’alignerai de nouveau sur ce type de course, qui sait ?

Infos :
La première dame gagne avec 15 boucles, et le premier homme avec 22. Des machines, tout simplement.

Point alimentation, comment ai-je géré ?

Comme expliqué, nous terminions les boucles autour des 57 minutes. La stratégie était d’être réguliers, avec peu de temps de pause, pour espérer tenir le plus longtemps possible et éviter de « péter comme du pop-corn » dès le 4 tour. Mais cela ne laisse pas beaucoup de temps pour se ravitailler.
Je rappelle qu’un ravitaillement était présent dans le gymnase, où nous entrions à chaque fin de boucle et d’où nous repartions pour la suivante. Nous avions également nos propres affaires et nourriture disposées sur un banc dans ce même gymnase.

Ma stratégie d’alimentation était assez simple : manger ce qui me faisait envie, régulièrement. Je partais avec mon sac d’hydratation Salomon 12 L, deux flasques remplies (une d’eau et une de boisson d’effort Overstims) et je buvais une flasque par heure. Tous les deux tours, je rechargeais une flasque d’eau et l’autre soit de boisson d’effort, soit d’un gel Baouw que je diluais dans de l’eau (je les supporte beaucoup mieux sous cette forme).
En plus de ça, je mangeais chaque heure une purée nutritionnelle Baouw et prenais ce qu’il y avait au ravito : chips, Tuc, gâteaux, oranges… bref, tout ce qui me faisait envie. J’avais également des onigiri que je prenais quand j’avais faim. Je trouve ça bien d’avoir du solide de temps en temps pour varier un peu.

Je me suis donc alimentée de façon continue, mais parfois je ressentais la faim et constatais que je ne mangeais pas assez. Le fait que le rythme soit assez soutenu, que l’on coure quasiment tout le temps, faisait que je ne prenais pas assez le temps de manger. C’est pour cette raison que j’ai ressenti quelques coups de mou sur les débuts de boucle notamment.

Côté chiffres, je tournais autour de 40 g de glucides par heure environ. Sujet à grand débat aujourd’hui : combien de glucides par heure faut-il prendre ? Je ne m’entraîne pas encore assez régulièrement avec de fortes quantités de glucides lors de mes séances, et je sais qu’en course, je ne peux pas augmenter drastiquement ma consommation au risque de ne pas le supporter et d’avoir des soucis digestifs.
Pour le moment, sur toutes mes courses, qu’elles soient longues ou plus courtes, ce niveau de glucides me correspond plutôt bien, donc je garde cette dynamique. Je testerai au fur et à mesure un peu plus, pour éviter les coups de mou comme ici.

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