MAXI RACE 2025 : Reconnaissance
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ToggleEst-ce que l’Ultra est fait pour moi ?
Mai 2024, je participe aux 42 km de la Maxi Race : la Marathon Experience. Durant ce week-end, je découvre cet événement et toutes ses courses (car oui, il y a plein de formats : de la course enfant au 91 km et 4500 D+, en solo, en relais ou encore sur deux jours). Des amies participent au relais de la Maxi Race cette année-là et je passe ma journée sur l’événement pour les soutenir. Je suis prise dans l’ambiance, et quand je vois ceux qui font le 91 en solo, je me dis qu’ils sont fous et trop forts. Je suis impressionnée et je veux être à leur place. L’idée émerge : je parle de faire cette distance l’année suivante, comme premier objectif Ultra.
Quelques mois plus tard, je suis bénévole à l’UTMB. Avec d’autres bénévoles, nous évoquons la Maxi Race. Beaucoup veulent y participer. Elle reste dans un coin de ma tête. Je sais qu’à l’heure actuelle, je ne suis pas du tout prête pour faire un Ultra ; ça me paraît même impossible. Mais je pars plusieurs mois à La Réunion, où je sais que je vais passer la majeure partie de mon temps à courir. J’ai 9 mois devant moi pour la préparer du mieux possible. Ça me rassure, et je n’hésite plus : je prends mon dossard et l’objectif de la saison 2025 est lancé.
La préparation
Cette année, la distance et le dénivelé ont changé : 100 km et 5300 D+ sont annoncés.
Ma plus longue distance au moment de mon inscription ? 44 km et 3000 D+. Ça me fait peur, mais j’ai 9 mois devant moi, tout cela à La Réunion, où tous les week-ends il y a des courses. J’ai le temps de faire une distance intermédiaire comme préparation.
Ainsi, je prends plusieurs dossards :
- 30 novembre 2024 : La Mafate Trail Tour (Réunion) : 54 km – 3624 D+
- 5 avril 2025 : Trail des 2 Rivières (Réunion) : 62 km – 2800 D+
- 26 avril 2025 : Super Cilaos Women Trail (Réunion) : 28 km – 2300 D+
- 4 mai 2025 : Kilomètre Vertical de Saint-Leu : 5,5 km – 1000 D+
Est-ce que tout s’est déroulé comme prévu ? Absolument pas.
- Mafate Trail Tour : un bon virus attrapé 2 jours avant (du type tourista, je ne fais pas de dessin). Je passe mon temps aux WC, impossible de manger, de tenir debout, avec une fièvre insoutenable. Je suis dégoûtée, mais raisonnable, et ne prends donc pas le départ. Une de moins.
- Trail des 2 Rivières : le cyclone Garance, qui a frappé l’île fin février, n’a pas épargné les sentiers → annulation. -2 au programme.
En revanche, une autre course, plus atypique, plus longue et pas du tout prévue, s’est ajoutée à tout cela : le Poon Tour (voir mon article à ce sujet) : 100 km et 5800 D+ en binôme, en totale autonomie. Particularité : c’est une course d’orientation.
Comme décrit dans mon article, cette course non prévue, dont nous avons appris notre participation 3 semaines avant, fait que je n’avais pas assez de kilomètres ni de dénivelé sous les baskets pour que tout se passe parfaitement.
En revanche, elle m’a appris beaucoup de choses :
Je suis capable de terminer une course de 100 km. Les moments très difficiles, où l’on a l’impression qu’on ne finira jamais, finissent par passer. Et si l’on y croit, il n’y a pas de doute.
Ainsi, après cette course, je n’avais aucun doute : je prendrais le départ de la Maxi Race de façon sereine (avec une préparation plus complète) et je la terminerai coûte que coûte.
En termes de kilomètres ?
Voici une courbe qui représente mes semaines d’entraînement sur les mois précédant la course.
J’ai une moyenne de 50 km et 2000–3000 D+ par semaine depuis septembre 2024. Mon but est donc d’augmenter le volume et d’atteindre un pic de 100 km et 5300 D+ entre 6 et 4 semaines avant la course.
J’augmente donc par tranche de 10 km à partir de début mars (ce qui correspond à ma reprise post-Poon Tour) jusqu’à atteindre mon pic 6 semaines avant la course.
La semaine à 90 km n’a pas pu se réaliser complètement car j’ai attrapé le chikungunya (maladie transmise par les moustiques tigres, provoquant notamment des douleurs articulaires ; pratique pour la course à pied !).
Après la semaine de 100 km, je décharge la semaine suivante car j’ai une course objectif : la Super Cilaos Women Trail (voir mon article sur ce sujet).
Je vise un temps de 5 h et un classement dans le Top 5. Objectif rempli : 5h07 et 3e/200. Je prends confiance et vois que les entraînements payent. Un an en arrière, jamais je n’aurais fait un tel résultat. Tout cela me rassure pour la Maxi Race.
La semaine suivante : de nouveau une semaine de décharge post-course.
C’est important de ne pas enchaîner trop vite et de laisser le corps se reposer. Qu’importe la distance, la récupération est importante. Une course plus courte en distance (comparée à 100 km) nécessite du repos, car l’intensité est bien plus élevée. Parfois, on pense qu’on n’a pas besoin de repos après un 10 km à bloc, mais testez, et vous verrez que la blessure arrivera à coup sûr, car vous aurez choqué votre corps. Et si vous ne laissez pas de repos, votre corps vous le fera payer.
Ainsi, après cette course, quelques jours de repos. Et pour couronner le tout, j’avais pris un dossard le dimanche suivant pour un bon KV proche de chez moi (5,5 km – 1000 D+). Ici, pas d’objectif, j’avoue. Je venais pour le tee-shirt, que je trouvais vraiment sympa. Et comme c’était sur un sentier que j’ai fait de nombreuses fois à l’entraînement, je voulais participer à ce premier événement. Du coup, peu de course à pied sur cette semaine, pour éviter la blessure. Le KV se passe très bien : aucune douleur apparente, le cœur va bien, et je termine 8e/95 en 1h04 avec mon beau tee-shirt finisher. C’était la dernière course à La Réunion, et tout s’annonce bien pour la Maxi Race au vu des sensations que j’ai en course.
Après cela, j’ai pour projet de reprendre mes semaines d’entraînement entre 60 et 70 km.
Malheureusement, ce fut compliqué entre le déménagement en métropole et l’assistance de mon copain sur l’Ultra Terrestre (224 km – 13 000 D+ en 52 h). Je n’ai pas pu faire le volume souhaité, mais je sais que les entraînements en amont étaient bons et que ça ne changera pas grand chose le jour venu.
Les deux dernières semaines, je décharge et suis impatiente de prendre le départ de la course.
Et concrètement, mes séances d’entraînement ressemblent à quoi ?
C’est simple : peu importe les kilomètres que je fais par semaine, je fais des sorties plus ou moins longues en EF (toujours l’EF, oui !). Mon EF, à moi, je le base sur les données scientifiques. Je n’ai jamais fait de test d’effort, donc je l’estime à 140 bpm. En gros, la majorité de mes entraînements tournent autour de ça. Peu importe la distance, que ce soit 5 km ou 35 km en une sortie, je ne dépasse pas les 140, que ce soit en montée, en descente ou à plat.
Ajoutez à cela une séance de fractionné par semaine sur piste. Ces séances varient, et j’essaye de ne jamais faire la même pour éviter la lassitude. Pour certains, c’est une torture ces séances, mais j’aime l’intensité. Donc même si je suis à deux doigts de vomir, je suis contente d’y aller (mais c’est quand même plus fun accompagnée, je l’admets).
En plus de ça ?
J’aime beaucoup faire de la visualisation. À chacun sa technique, mais moi, je visualise énormément mes courses avant le départ. Je les découpe étape par étape, et je m’imagine sur les sentiers (pour cela, je fais des reconnaissances de parcours si possible avant mes courses), les ravitaillements, mes proches qui m’attendent, mes ressentis, la ligne d’arrivée… et je sais que ça m’aide beaucoup.
Avec toute cette préparation, j’arrive sereine au départ de la Maxi Race et je sais que tout va bien se passer.
Un objectif en tête ?
Compliqué d’établir un objectif sur un premier ultra-trail en compétition. Avec l’entraînement que j’ai fait, j’ai tout de même établi un plan de course de 17h15, en gardant en tête que si je fais plus, ce n’est pas grave, étant donné que l’objectif principal est de me tester sur ce type de distance et de voir si je prends autant de plaisir sur les formats longs que sur les formats courts. Je ne veux absolument pas subir ma course ni me dire « plus jamais, sinon, ce serait un échec.
Déroulé de la course :
Samedi 31 mai : minuit.
Km 0 – 0 D+ : 0 min
Je mange mes dernières pâtes à la maison. J’ai réussi à dormir 2h et suis bien contente, car avec l’adrénaline et le stress, c’était compliqué.
Nous prenons la voiture et récupérons 3 copains, dont 2 qui courent également la 100 km. L’ambiance est bien présente, j’ai plein de proches qui seront là tout au long de la course et ça me motive.
Je regarde les premiers partir ainsi que les copains qui se trouvent dans les premiers sas, puis rejoins le mien. Je suis dans le sas 5 sur 6, je me place loin derrière, car je sais que ça va partir beaucoup trop vite et je ne veux pas me laisser emporter.
2h52, le départ est lancé et nous démarrons cette bonne journée sur les sentiers comme on les aime. Je suis 1589ème/1742 et 117ème femme sur 131.
Les 4 premiers kilomètres sont plats, c’est ici qu’il faut éviter de partir trop vite à sprinter pour se placer et éviter les bouchons. C’est inutile, il y en aura forcément vu le nombre de coureurs (2000 personnes environ). La course est longue, il ne faut pas se cramer maintenant. Je me mets dans mon rythme, j’ai mon plan en tête et j’y vais tranquillement.
Nous rejoignons rapidement le bas du Semnoz et une montée de 16 km et 1200 D+ nous attend. C’est ici que nous rencontrons quelques bouchons. J’y étais préparée, je suis patiente, j’écoute les gens parler autour de moi et espère que ça finira par s’espacer un peu pour profiter des sentiers et d’un peu de solitude.
Tout le monde est dans l’euphorie, moi aussi. J’en vois courir fort dans les montées pour rattraper le peu de temps perdu dans les bouchons et me dis que c’est l’erreur à ne pas faire. J’entends beaucoup de personnes très essoufflées, je reste patiente et me dis que ma stratégie finira par payer.


Km 20,9 – 1242 D+ : 3h24
La montée s’est déroulée parfaitement. J’ai quelques petites sensations qui m’inquiètent : un début de mal de ventre et une sensation de lourdeur dans les jambes. Je me dis que ce n’est pas grave et que c’est certainement dû au stress.
Arrivée au premier ravitaillement du Semnoz, je retrouve Alex, Baptiste et Clara qui m’encouragent. Je suis très contente de les voir, discute rapidement avec eux, et repars me ravitailler dans le chapiteau un peu plus loin. Le jour s’est levé, je n’aime pas beaucoup la nuit et suis contente de voir les environs.
Je ne suis pas repassée sur ces sentiers depuis mon retour en métropole (j’habitais à Annecy avant mon voyage à la Réunion) et suis donc très heureuse de revoir ces beaux paysages.
Je repars du ravitaillement, fais un dernier coucou aux copains que je ne reverrai pas avant Doussard (km 56) et repars. Je pointe 1561ème/1742 et 96ème/131 femmes.
On fait un bon tour du plateau du Semnoz, on est encore très nombreux. Je prends mon temps et en profite pour jeter un coup d’œil au classement, voir où sont les premiers (quasiment à la mi-course, trop forts !) et les copains qui ont bien avancé aussi. Tout va bien pour tout le monde, je suis contente.
Km 39,4 – 1771 D+ : 6h03
Première descente direction St Eustache d’environ 9 km et 1000 D-. Mot d’ordre : ne pas y aller trop fort. Les descentes, j’aime ça, je suis à l’aise et j’ai tendance à envoyer trop fort, ce qu’il ne faut surtout pas faire. Je me canalise et descends progressivement, tout en maintenant un assez bon rythme.
Dans cette descente, je constate que je double plusieurs personnes et que j’ai de bonnes sensations, les jambes vont bien, ce n’était qu’une fausse alerte. En revanche, le ventre est toujours un peu capricieux, je tente de prendre un gel qui me donne instantanément la nausée, je décide de les laisser de côté et de faire avec le reste de nourriture que j’ai pour le moment.
J’arrive rapidement à St Eustache (ravitaillement d’eau). Il commence déjà à faire chaud, je vois des personnes s’asperger d’eau dès que possible. Je remplis juste mes flasques, pas de pause, et repars directement.
Je me classe 1318ème/1742 et 78ème/131 femmes.
Km 51,6 – 2686 D+ : 8h31
Bien que je n’aie jamais fait le Col de la Cochette auparavant, je sais que cette montée est courte mais bien raide (5,2 km pour 650 D+).
Je prends mon temps, gère mon effort, mange dans la montée et arrive sans difficulté au col.
Je commence à voir les premières difficultés des coureurs dans cette montée, beaucoup s’arrêtent pour faire une pause, et lorsque je bascule direction les Maisons, beaucoup marchent dans la descente. Des nouveaux bouchons se forment, mais ici je ne veux pas perdre de temps.
La descente est assez technique mais je progresse bien et double énormément de personnes.
Je remarque que parfois je dois un peu me battre pour qu’on me laisse passer, ce qui m’agace un peu, mais je n’en prends pas note, je continue et arrive aux Maisons facilement.
Ici, je croise un copain venu encourager des amis à lui. Je me recharge en eau, discute rapidement avec lui, ça fait du bien de croiser du monde.
Je repars motivée car je sais que la prochaine pause, c’est avec tous les proches à Doussard. Direction Entrevernes, où une montée m’attend mais beaucoup plus simple que le Col de la Cochette.
Je suis 1128ème/1742 et 66ème/131 femmes.
Km 56,1 – 2696 D+ : 9h03
Après avoir passé Entrevernes, on redescend direction Doussard. On voit le ravitaillement au loin, mais il y a bien 3 km de plat avant, qui paraissent un peu interminables.
Je suis en très grande forme, l’adrénaline de retrouver tout le monde est présente, et constate que je suis l’une des seules à courir autour de moi. Il est près de 12h et il fait très chaud. Je ne subis pas la chaleur et en suis bien contente (la Réunion m’a également bien aidée pour ça).
Juste avant le ravitaillement, Alex est là pour m’encourager et me dire qu’ils sont tous après le ravitaillement et m’attendent. Je suis contente, je rentre dans le ravitaillement, me recharge en eau, mange un bout de gâteau et prends un petit bol de pâtes, puis pars directement retrouver mes proches. J’ai 7 minutes d’avance sur mon plan de course, c’est parfait. Je prends le temps au ravitaillement avec mes proches, discute avec eux, change de chaussettes, me badigeonne de Nok car je sens les premiers frottements de la brassière. Ça fait du bien de tous les voir. Mes parents sont présents, des copains d’école et de l’UTMB, ça fait du bien.
20 minutes plus tard, je repars en direction du col de la Forclaz. À partir d’ici, je connais tous les sentiers par cœur.
Classement : 994ème/1742 et 58ème/131 femmes.




Km 65,3 – 3525 D+ : 10h12
Sur les 2 km de plat avant d’entamer le col, je ressens une légère douleur dans le genou droit, je ne m’inquiète pas plus que ça et espère que ça ne va pas me déranger.
En traversant un pont sur la piste cyclable en sortie de Doussard, j’entends « Oh mais c’est Manon ! » d’une voiture ; mes copains d’enfance sont là (un poil en retard) et je leur fais un coucou en leur criant de venir à Montmin plutôt.
J’entame le Col de la Forclaz et dès le départ, j’ai une descente d’émotions et d’adrénaline. Je sais que je ne reverrai plus mes proches avant Menthon (km 82) et me dis que parfois c’est un peu long. Chacun est concentré sur son effort. Nous sommes plusieurs à avancer ensemble, mais personne ne parle. Je vois beaucoup de coureurs s’arrêter pour faire des pauses, souffrir, et ils peinent à me répondre quand je leur demande si ça va ou s’ils ont besoin de quelque chose. Je constate que je suis quand même bien plus en forme car j’arrive même à relancer donc je ne me laisse pas envahir par mes petites pensées négatives et continue ma progression. J’espère voir certains proches en haut pour reprendre une dose de motivation.
J’arrive au col de la Forclaz et bascule en direction de Montmin. Je progresse rapidement, je ressens toujours mon genou dans les descentes, et j’aperçois Alex au loin qui m’encourage. Je lui parle de ma crainte concernant mon genou et lui dis que j’ai trouvé cette montée plus longue que les autres, mais que ça va.
Je vois aussi Baptiste, qui continue de me filmer, un super caméraman, ainsi que mes copains d’enfance venus ici. Cela fait plus de neuf mois que je ne les ai pas vus, j’ai un grand sourire et ça me remotive.
Je suis dans mes temps de course, je recharge en eau, échange rapidement quelques mots avec eux, puis repars motivée. Je sais qu’il faut bien gérer mon effort dans cette portion : on est en pleine après-midi, il fait très chaud, et il est normal que je ralentisse un peu, ça, je l’ai bien en tête.
Km 71,6 – 4069 D+ : 12h30
Je progresse bien, j’ai chaud et un peu de fatigue, mais tout va bien. J’arrive au Col des Nantets, où se situe cette fameuse bascule.
La bascule, c’est quoi ? Non, ce n’est pas le changement de chaîne entre France 2 et France 3. C’est un dispositif mis en place par l’organisation qui te fait basculer vers un parcours plus court si tu n’arrives pas avant 16h. C’est costaud, je n’ai que 30 minutes d’avance et je me dis que beaucoup de coureurs ne pourront pas passer cette bascule. Je trouve ça assez injuste pour eux, mais c’est comme ça.
Cette bascule m’a beaucoup stressée les jours précédents la course. Abandonner n’est pas une option, mais prendre cette bascule encore moins. Je savais que j’étais capable de faire ces 100 km et ne voulais pas être stoppée par ce système.
Plus d’inquiétude maintenant, car je suis passée dans les temps et je sais que je terminerai sans souci cette course. Je regarde le temps sur ma montre : je peux finir en moins de 18h.
Km 78,3 – 4270 D+ : 13h45
Après le Col des Nantets, on grimpe encore un peu, beaucoup même, jusqu’au Col de l’Encrenaz. Là, je découpe mes étapes encore plus dans ma tête en me disant : « En haut du col, je fais une petite pause. » Il fait très chaud, je bois beaucoup, les kilomètres défilent plus lentement (vive le D+ !), et je me concentre.
J’écoute les autres autour de moi : ça souffre, beaucoup s’arrêtent, n’en peuvent plus. On m’encourage et me félicite beaucoup car je n’ai pas de bâtons (oui, entraînement réunionnais = sans bâtons), c’est motivant. Je prends le temps de demander à chaque personne assise si elle va bien, puis continue ma progression.
Arrivée en haut du col, je ne m’arrête pas et bascule de l’autre côté. Je cours, mange, et appréhende la grosse descente qui nous attend ensuite (3 km et environ 900 m de D-). Je la connais : elle est casse-pattes, très raide et remplie de cailloux.
Je décide donc de faire une petite pause et de m’asseoir juste avant d’entamer la descente. Je prends le temps de regarder où sont les copains, et aussi s’il y a une autre bascule, car j’entends beaucoup de coureurs en parler, et je ne l’avais pas notée.
Je remarque qu’il y en a une à 20h30, en haut du Col des Contrebandiers (km 90), et me dis que je suis large, je devrais terminer à cette heure-ci. Je ne m’en inquiète donc pas.
Au même moment, un autre coureur s’assoit également et me confie qu’il souffre beaucoup, n’arrive plus à manger et ne peut plus courir en descente. Je lui parle un peu, essaye de le remotiver et de l’encourager, lui dis qu’il faut absolument manger, sinon ça sera trop compliqué.
Je repars en lui souhaitant bon courage et entame cette descente. Finalement, plus de peur que de mal : je progresse vraiment bien, cours tout du long et double beaucoup de personnes qui marchent.
J’arrive vite à Villard-Dessus, où l’on peut recharger en eau. Je prends le temps de boire et repars assez rapidement. Il ne reste plus que 5 km avant de revoir mes proches.
Classement : 799ème/1742 et 45ème/131 femmes.
Km 83,4 – 4448 D+ : 14h49
Entre Villard Dessus et Menthon, je progresse vite et bien, je parviens à beaucoup courir et à relancer, motivée par l’envie de retrouver mes proches. Pendant ces quelques kilomètres, une vague d’émotion m’envahit et je me retiens de pleurer. Je prends pleinement conscience de ce que je vis et je suis heureuse. J’aime ce sport, je m’épanouis totalement et je prends un plaisir immense depuis le début de la course. Je suis reconnaissante de pouvoir vivre ce genre d’expérience, d’être en bonne santé et d’avoir la chance de pouvoir faire ça. Partager tout cela avec mes proches est précieux : certains se lancent dans ce genre d’aventure seuls, et je trouve que bien être entourée rend cette course merveilleuse.
Savoir qu’ils seront au prochain ravitaillement me donne des ailes à chaque descente et me pousse à aller plus vite sur certaines portions. En plus de cela, je réalise le chemin parcouru ces derniers mois. Il y a un an, je ne pensais jamais réussir un tel défi, et là, je sais que je terminerai, que je peux faire plus et continuer à aimer ce sport. Je suis fière de ce que je fais et je m’autorise à en prendre pleinement conscience.
J’arrive à Menthon, je vois mon papa et vais directement pleurer de bonheur dans ses bras. Pareil pour Alex, puis je m’assois avec tous mes proches et leur fais part de mes émotions. Je pleure comme une madeleine, je suis heureuse et je savoure ce dernier moment avec eux avant la ligne d’arrivée. Je suis tellement reconnaissante de pouvoir partager ça avec eux.
15 minutes plus tard, je repars en les remerciant mille fois, sachant qu’il faut maintenant que je profite pleinement de cette fin de course. Il reste une belle montée, mais il faut que je savoure tout ça.
Classement : 743ème/1742 et 43ème/131 femmes.



Km 100 – 5300 D+ (ou plutôt 5500) : 17h50
Je repars de Menthon et fais quelques mètres avec Alex qui m’encourage. Un petit coup de fatigue sur les premiers kilomètres, je mange des barres Ta caféinées pour me réveiller un peu. Je me dis qu’il faut que je profite, car après je vais passer une dizaine de jours sans course à pied (vive la récupération !) et que même si c’est un peu dur, il faut avancer et savourer.
Juste avant d’entamer la montée vers le Col des Contrebandiers, je croise Samuel (mon seul et unique compagnon de course), et nous ferons les prochains kilomètres jusqu’à Pré Vernet ensemble. On discute, ça passe plus vite quand on parle et ça motive. On monte bien, il relance très fort dans une portion très raide et me dit que c’est la fin, je vais m’accrocher. Merci pour ce rythme, je ne l’aurais pas montée aussi vite sans toi.
On arrive au Col des Contrebandiers, on a assez d’eau, pas d’arrêt, on continue. On discute avec d’autres coureurs et voilà la dernière portion bien technique avant l’Ancien Téléphérique (km 92). Derniers sourires aux photographes, on plaisante, on sait que c’est la fin. Quelques petites (grosses) bosses s’enchaînent, puis une première descente bien raide. J’ai mal aux pieds, j’ai du mal à avancer dans cette portion, je me dis que j’ai vraiment hâte d’arriver.
Nous rejoignons Pré Vernet, Samuel fait une pause pipi, je me dis qu’il va me rattraper, mais je pars devant lui. Cette section, je la connais, c’est roulant, c’est mon domaine, j’envoie tout ce qu’il me reste. Je rejoins très vite la route, regarde ma montre : 4’30 au kilomètre. Je double encore quelques coureurs et atteins le bas du Veyrier rapidement.
Il me reste 1 km de plat, j’entends au loin tous mes proches m’encourager, un grand sourire se dessine sur mon visage, je cours et suis heureuse.
Je franchis la ligne d’arrivée en 17h50 de course, 662ème sur 1742, 37ème sur 131 femmes, et 24ème de ma catégorie.
Mot de la fin
Je ne pouvais pas espérer mieux comme course. Un plaisir immense, des paysages à couper le souffle, j’étais heureuse de retrouver les sentiers que j’aime tant. Heureuse de vivre ce genre d’expérience entourée de mes proches, leur soutien était tellement motivant, et sans eux rien n’aurait été pareil.
Reconnaissante d’être en bonne santé et d’avoir les moyens pour réaliser cela. L’objectif est totalement rempli : à aucun moment je ne me suis dit que je voulais arrêter ou que je ne recommencerais jamais. J’ai énormément appris en 1 an sur le trail en général, comment s’entrainer en minimisant le maximum le risque de blessure, comment gérer son effort sur un Ultra Trail (et sur les plus petites distances également) et comment s’alimenter tout au long d’une course. Je suis fière de me voir progresser et de voir que ma méthode d’entraînement qui repose sur le plaisir fonctionne. Ce n’est jamais un sacrifice, juste un immense plaisir.
J’ai hâte de la suite, de prévoir de nouveaux ultras, de voir plus grand et de profiter pleinement de ce genre d’expérience.
Je rêvais de ce genre de course il y a quelques années, et aujourd’hui, je suis capable de le faire.
Je me suis donné les moyens d’y arriver, j’aime ce sport, et je suis fière d’y parvenir.
Côté nutrition ?
J’avais prévu beaucoup de nourriture en plus des ravitaillements. Sur la course, il y en avait 3 solides : Semnoz (km 20,9), Doussard (km 56,1) et Menthon (km 83,4), ce n’est pas énorme. Pendant la course, j’ai entendu beaucoup de coureurs dire qu’ils n’arrivaient plus à s’alimenter ou qu’ils n’avaient plus rien sur eux. Moi, j’ai eu de la chance, même si mon ventre me faisait mal au début, les douleurs sont parties et j’ai toujours réussi à manger.
Je variais mon alimentation selon mes envies, avec :
- 9 gels (je n’en ai mangé qu’un, après avoir eu envie de vomir au premier)
- 11 barres Ta caféinées (10 ingurgitées)
- 5 barres Baouw (3 ou 4 mangées)
- 5 purées nutritionnelles (4 dans le ventre)
- 3 pompotes (il n’en restait plus à la fin)
- Quelques noix de cajou
Aux ravitaillements, je prenais souvent des quarts d’orange, des pâtes et des Tucs.
Pour la boisson, j’avais des électrolytes Ta sur moi et je rechargeais aussi aux ravitaillements (car il y en avait). J’avais toujours sur moi une flasque d’eau, une de boisson électrolyte et une autre d’eau (au cas où, car le protocole canicule a été activé et il fallait avoir 3 flasques sur soi).
J’aimais varier ma nutrition ainsi :
- Dès que je sentais un coup de fatigue : une barre Ta caféinée
- Dès que j’avais faim : une barre Baouw (que je trouvais consistante), parfois coupée avec une purée nutritionnelle (moitié-moitié généralement)
- Dès que j’avais envie de changer : compote ou noix de cajou
En début de course, je m’alimentais toutes les 40/50 minutes, et à partir de la mi-course, j’essayais de garder ce rythme, parfois un peu espacé, mais je mangeais toujours quelque chose au moins toutes les heures.
Grâce à ça, j’ai réussi à bien m’alimenter, sans problème d’énergie ou de digestion.
