Mon premier Ultra : Le Poon Tour, une course atypique

Une course d’orientation d’environ 100 km (oui, c’est long pour de l’orientation), en totale autonomie : pas de ravitaillement, pas d’assistance, et un itinéraire à tracer soi-même en passant par 6 balises obligatoires. Pour corser le tout, le lieu de départ est annoncé 48 heures avant, et les balises ainsi que le lieu d’arrivée… seulement 15 minutes avant le départ. Tout cela se court en binôme.

La génèse du projet

Mon objectif pour 2025 était clair : réussir mon premier ultra de 100 km. À la base, je visais la Maxi Race (100 km, 6000 m D+), le 31 mai qui est l’objectif de l’année. Mais voilà : installé à La Réunion, mon copain entend parler d’une course atypique, le Poon Tour, qui a lieu le 22 février. Le concept nous emballe immédiatement. On tente de s’inscrire, sans trop y croire : pas de réponse de l’organisation pendant plusieurs semaines, on se dit que c’est mort. Et finalement, 3 semaines avant le départ, on apprend qu’on est pris. Plus moyen de reculer : il va falloir courir ces 100 bornes.

Est-ce que les jambes sont prêtes ? Pas vraiment. Est-ce que la motivation est là ? À fond.

Je ne recommanderais à personne de se lancer dans un ultra avec ce type de préparation qui n’était, selon moi, pas la plus complète. Mais je connais bien mon corps, je suis entraîné, et même si je savais que ça allait être extrêmement dur, j’étais persuadée de pouvoir y arriver.

La préparation

Comme expliqué, j’avais structuré ma saison autour de la Maxi Race. Mon idée : augmenter progressivement mon volume. Je tournais autour de 50 km/semaine (avec environ 2000 m D+), et je comptais monter jusqu’à 100 km et 6000 D+ vers avril-mai (soit 6 semaines avant la course).

Quand on a découvert le Poon Tour, 1 mois avant qu’il est lieu, j’étais à 60-70 km par semaine, avec 2500-3000 m de dénivelé.

Je savais que faire un bloc à 100km et 6000 m D+ était un risque, de blessure et de surcharge, si proche de la course et sans augmentation progressive. Et comme on n’était même pas sûrs d’être pris, difficile de se projeter.

Finalement, j’ai fait un pic à 72 km/2800 D+ quatre semaines avant. Puis, quand on a eu la confirmation de notre participation, j’ai levé le pied : inutile de surcharger. Je suis resté autour de 50-60 km hebdomadaires. Ajoutez à ça quelques petits virus qui ont freiné certains entraînements… la prépa n’a pas été idéale mais pas catastrophique non plus (toujours selon moi et selon ma méthode d’entrainement qui est basé sur la progressivité).

À J-7 : place au repos, hydratation, féculents, sommeil ; les classiques.

Les petits bonus

  • Courir le Poon Tour avec mon copain : ultra-traileur expérimenté, kiné, et préparateur physique en trail, ça aide pour la gestion de course et le mental.
  • Connaître très bien les sentiers réunionnais après 6 mois à y vivre, c’est un gros avantage.

Le déroulé de la course

J-2

On reçoit enfin le lieu de départ : rendez-vous vendredi à 23h, sur les hauteurs de Saint-Louis.

Jour J

On se rend sur le lieu de départ avec deux amis. On récupère la balise GPS et les cartes IGN. On prend notre temps pour analyser le tracé et reporter les points sur Maps.me. Comme c’est une course où chacun fait comme bon lui semble, certains utilisent que la carte et d’autres comme nous, utilisent les cartes IGN sur téléphone.

Consigne importante de l’organisation : bien gérer l’eau. On peut avoir des sections de plus de 20 km sans source. On part avec 1,5 L chacun et des filtres.

On s’élance parmi les derniers car nous prenons bien le temps d’analyser le parcours. Première balise : en bas de la fenêtre des Makes. Le sentier choisi est court, mais bien humide et encombré. La progression est plus compliquée que prévue. Ensuite, direction le Petit Bénare pour la deuxième balise qui se trouve en bas du sommet (pas besoin de monter jusque là haut).

On enchaîne avec la route forestière des Tamarins, un détour plus long mais roulant, et on passe par la troisième balise, avant de rejoindre le Ti Col Maïdo.

Là, on descend la Brèche, et miracle : on trouve enfin de l’eau après 40 km et plus de 10h d’effort.

Ensuite, deux options pour atteindre le Col des Bœufs :

  1. Par Roche Plate >Fond de Mafate > La Nouvelle > Plaine des Tamarins > Col des Boeufs
  2. Par Trois Roches > Plaine aux Sables > Plaine des Tamarins > Col des Boeufs

On choisit la seconde, jugée plus roulante. Pause fajitas à Trois Roches. C’est là que le premier gros coup de mou arrive : les jambes sont fatiguées, des douleurs musculaires que je n’ai jamais connues, une bonne fatigue et le moral en prend un coup. Alex me soutient tout du long et je peine mais arrive à continuer jusqu’à sortir de Mafate. Moralement, se dire qu’il reste encore 50km (soit la moitié) et être autant fatigué est très compliqué, à cet instant j’étais persuadée de ne pas y arriver. La quatrième balise est atteinte, et une nouvelle pause me régénère.

Ensuite, on file sur Grand Ilet par la route (plus roulante que le GRR1). On relance bien, j’arrive à courir, et on atteint la cinquième balise. Longue pause de 1h à Grand Ilet : sandwich, boisson sucrée, pieds à l’air.

Il est 20h quand on attaque le Kilomètre Vertical de Roche Écrite. 1000 D+ en 3,5 km après 20h de course, ça pique. On grimpe par étapes, et finalement, ça passe mieux que prévu. On atteint la sixième balise sous la pluie et le vent, puis le gîte de Roche Écrite. C’est ici que nous allons vivre la pire partie de notre périple.

On choisit de redescendre par le sentier vers l’Ilet à Guillaume, pensant que c’est le plus rapide et le plus court. Mauvais calcul. Le sentier est détrempé, encombré, étroit, dangereux. On pense même que c’est un sentier fermé à l’origine tellement qu’il est impraticable. On est à bout, c’est lent, et le moral chute. On perd beaucoup de temps : 3 km en 1h30 en descente, on n’en revient pas et je peine de plus en plus à avancer ayant peur de tomber. Je garde un mauvais souvenir de cette partie où là je me sentais pas vraiment en sécurité avec la fatigue et ce sentier dangereux. On rajoute à cela qu’avec la fatigue je vis ma première hallucination (car oui, nous n’avons fait aucune sieste durant toute la course).

On rejoint tant bien que mal la plaine d’Affouches. Encore quelques bonnes bosses avant d’atteindre enfin le Colorado. Plus de bouffe, plus de jus, hallucinations pour Alex aussi. L’arrivée semble ne jamais venir.

Et puis… on voit enfin des frontales ! Trois membres de l’organisation souriants, une banderole « Arrivée », un jus d’orange et un pancake au sucre. C’est tout, et c’est parfait.

Problème : il est 5h du mat, on est à Saint-Denis, nos amis dorment, pas de bus, il faut trouver un moyen de rentrer ; l’aventure n’en fini plus. On décide de faire une sieste et d’attendre l’équipe derrière nous pour leur demander de nous déposer à un arrêt de bus, nos sauveurs, on finit par rentrer chez nous et faire une bonne sieste.

Ce que je retiens

Le principal problème rencontré a été musculaire : mes jambes étaient vraiment fatiguées, et mentalement, je n’arrivais pas à passer au-dessus de ça. J’avais constamment peur de « péter », comme on le voit souvent sur ce type de course. Accumuler du dénivelé est essentiel pour ce genre d’effort : le corps doit être habitué, et je savais déjà avant le départ que ce serait mon point faible.

Faire 29 heures d’effort, c’est vraiment intense. Étonnamment, j’ai plutôt bien géré les deux nuits blanches : je n’ai jamais ressenti le besoin de dormir à tout prix, seulement celui de faire des pauses et de m’asseoir un peu.

Autre point important : bien choisir son textile, notamment les sous-vêtements. J’ai utilisé les mêmes que pour mes longues sorties ou mes treks, mais sur cette course, j’ai eu énormément de frottements et d’inconfort, surtout sur la fin. Une vraie leçon !

Côté alimentation, je ne suis pas une grande fan des gels. En général, je n’en prends qu’un seul sur une longue sortie. Mais pour cette course, j’en ai consommé une dizaine. Mon ventre n’étant pas habitué, j’ai eu quelques légers troubles digestifs mais ça n’était pas le plus contraignant finalement, petite pause sur le bas côté et on repart.

Bref, j’ai rencontré pas mal de difficultés pendant ce périple, mais elles me sont très utiles pour préparer la Maxi Race, qui approche à grands pas. J’en tire énormément de leçons et je sais désormais à quel type de difficultés je peux être confrontée.

Il faut bien un premier ultra, et celui-ci a été sacrément marquant dans ma vie ! Je suis très heureuse de l’avoir vécu — et surtout, de l’avoir terminé.

Mot de la fin

Nous finissions 9ème sur 48 équipe en 29 heures d’effort.

Ce premier ultra a été incroyable de A à Z : par son format, son authenticité, ses galères et le fait de le vivre à deux. J’ai pu aller au bout grâce à une seule personne : Alex. Présent, encourageant, lucide, il m’a soutenu dans tous les moments durs.

Un immense merci à l’organisation pour proposer ce genre de course, loin des formats classiques. Pour les intéressés, toutes les infos sont partagées sur la page Facebook CartoonRaid de La Réunion.

Tracé du Poon Tour 2025

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