Pourquoi le GR20?

Se lancer sur le GR20 comme premier trek en solitaire : c’est l’aventure que j’ai réalisée il y a un peu plus d’un an et qui m’a marquée à vie. Cet article retrace cette traversée, accomplie en 9 jours, en semi-autonomie.

Le GR20, c'est quoi?

Défini par ses 180 km et ses 10 000 mètres de dénivelé positif, ce sentier de grande randonnée attire chaque année des milliers de randonneurs. Traversable du nord au sud ou du sud au nord, il se compose de 16 étapes sur des chemins à la fois somptueux et techniques.

Pourquoi me lancer sur le GR20 comme premier trek?

De nombreuses personnes se lancent le défi de parcourir le GR20 en un minimum de jours. Pour ma part, mon défi était tout autre : me lancer dans une première aventure en solitaire. Cela peut sembler facile pour certains mais très difficile pour d’autres. La peur de l’inconnu est l’une des peurs les plus répandues. C’est elle qui nous dissuade de faire face à des situations nouvelles et nous prive de vivre de nombreuses expériences. Désireuse de me lancer dans des voyages, des défis sportifs et des aventures variées, il était essentiel que je sorte de ma zone de confort pour la première fois. C’est ainsi qu’est née l’aventure du GR20.

Mon GR20

Il est possible de découper les étapes du GR20 comme bon vous semble grâce aux nombreux gites et bergeries présents sur le parcours. Les gites sont gérés par le Parc Naturel Régional de Corse (PNRC). Le bivouac est interdit en dehors des zones prévues près des gîtes ou des bergeries, dans un souci de préservation de l’environnement. Les bergeries sont indépendantes et vous pouvez les réserver en amont par téléphone ou directement sur place si il reste de la place.

Sans objectif sportif précis, je me suis initialement lancée dans une traversée prévue en 13 ou 14 jours. Mais, comme tout bon voyage réserve son lot d’imprévus, j’ai finalement bouclé le parcours en 9 jours. Voici les étapes :

Description des étapes : 

  • Calenzana → Ortu di Piobbu : 12,4 km | +1529 m |  5h

  • Ortu di Piobbu → Ascu Stagnu : 13 km | +1708 m |  10h45

  • Ascu Stagnu → Ballone : 11,8 km | +1604 m |  10h

  • Ballone → Manganu : 29,3 km | +1365 m |  11h50

  • Manganu → Onda : 19,4 km | +1392 m |  10h45

  • Onda → Capannelle : 26,9 km | +1804 m |  11h

  • Capannelle → Usciolu : 29,3 km | +1759 m |  11h

  • Usciolu → Asinau : 20,9 km | +1020 m |  9h

  • Asinau → Conca : 29 km | +948 m |  11h

Jour 1 : Calenzana → Ortu di Piobbu
Arrivée la veille à Calvi par le ferry, je tombe sur un couple de randonneurs qui ont une voiture et comptent se rendre eux aussi à Calenzana. Parfait, je saute dans l’aventure avec eux ! On passe la nuit au camping, un grand classique pour ceux qui s’élancent sur le GR20 le lendemain.

Réveil matinal (encore dans la nuit pour certains), je décolle vers 7/8h pendant que mes compagnons dorment encore. Je pars donc seule, comme prévu initialement. Sur cette première étape, je découvre ce que tout le monde appelle « l’autoroute du GR20 » : il y a du monde, beaucoup de monde ! Et franchement, loin de m’agacer, j’adore. Chaque rencontre est une petite pause, une conversation, une expérience partagée.

Le sentier est relativement simple, à l’exception d’un passage avec des chaînes qui se franchit sans souci. À midi, j’arrive au refuge d’Ortu di Piobbu et décide de m’y poser pour la nuit, comme prévu.

L’après-midi se passe au soleil, bouquin à la main, et un petit doute me traverse : « 12 jours en solitaire, arrivée si tôt chaque jour… et si je m’ennuyais ? » Spoiler : cette pensée ne m’a plus jamais effleurée.

Le soir venu, je sors mon fameux lyophilisé (poulet curry de chez Décathlon, une pépite !) et je rencontre mes premières compagnonnes : deux sœurs et une randonneuse solo, aussi d’Annecy ! On passe une super soirée ensemble et on se donne rendez-vous pour la suite. Je recroise aussi le couple du ferry. Finalement, ça commence très bien, cette aventure.

Jour 2 : Ortu di Piobbu → Ascu Stagnu
Objectif du jour : doubler les étapes. Je pars un peu après les autres et file vers Carrozzu en espérant les retrouver là-bas pour la pause déjeuner. Petit détail : mes lacets se défont régulièrement mais je ne m’en préoccupe pas… jusqu’à ressentir une belle douleur au talon. Résultat : des ampoules. Je tente de limiter la casse avec des compeed (grosse erreur).

J’arrive à Carrozzu avant midi, engloutis une barquette, et je retrouve les filles sous la passerelle, baignade rafraîchissante obligatoire. On repart toutes les quatre direction Ascu Stagnu. Et dès ce moment-là, je ne marcherai plus jamais seule.

Nouvelle boulette : je ne recharge pas en eau, pensant en avoir assez (spoiler : non). Les montées sont raides, les descentes interminables, le GR20 nord tient bien sa réputation de « salade de cailloux ».

En fin d’après-midi, on arrive à Ascu, où il ne reste presque plus de place pour poser les tentes. On finit par trouver un petit spot. Chips, sodas, et fous rires pour se remettre de cette journée intense.

Jour 3 : Ascu Stagnu → Ballone
Sur le papier : peu de kilomètres, mais un bon gros dénivelé. Je me dis que ce sera plié rapidement et qu’on pourra même faire un détour au Monte Cinto. J’avais juste oublié un détail : en Corse, les chemins sont techniques, très techniques.

On part tôt, et mes pieds me font souffrir à cause des ampoules. Je continue les compeed (toujours une mauvaise idée). Je suis avec Marion, rencontrée deux jours plus tôt, et on décide de faire route ensemble.

La montée au Monte Cinto est longue mais superbe, avec de beaux passages techniques. Il y a du monde, beaucoup, et on retrouve un peu l’ambiance autoroute du début. Pause pique-nique au sommet, puis descente vers Tighjettu. Et là… c’est le calvaire pour mes pieds. Je dis à Marion de filer, je prends mon temps. J’ai sérieusement douté de pouvoir aller au bout avec cette douleur constante.

Je rencontre un nouveau groupe de randonneurs, les kinés, dont deux arrivent au refuge aussi explosés que moi. Ça rassure : c’est dur pour tout le monde. Initialement, j’avais réservé une nuit au gîte, mais tous mes compagnons sont à la Bergerie de Ballone. Je me laisse convaincre… et je ne regrette rien.

Jour 4 : Ballone → Manganu

A force de discuter avec tous ce beau monde, le plan se redessine : je décide de les suivre et de faire le GR en 10 jours au lieu de 12. C’est ambitieux, mais le groupe me donne des ailes. On repart donc à deux, Marion et moi, pour une longue journée de 30 km.

Départ à la frontale, les jambes encore endolories mais le moral au beau fixe. Le sentier déroule mieux que les jours précédents, on avance bien. Les douleurs aux pieds, elles, sont toujours là, mais deviennent une routine. Le paysage aide à oublier : le lac de Nino, ses pozzines et ses chevaux en liberté, c’est un tableau de carte postale.

On papote, on rit, on se raconte nos vies. Le temps passe vite quand les cœurs s’ouvrent. À l’approche du refuge de Manganu, une idée fixe nous motive : une vraie douche chaude. (Spoiler : elle existe bel et bien. Presque émouvante.)

Jour 5 : Manganu → Onda

Encore une étape doublée, on ne s’arrête plus. Après un passage matinal au lac Capitello, grandiose comme seul la Corse sait l’être, on descend vers Petra Piana. Là-bas, bonheur suprême : on mange… des frites. Après des conserves et du lyophilisé, c’est un festin digne d’un palace.

On hésite à prendre la variante alpine pour gagner du temps, mais on choisit finalement la voie « classique » vers Onda : c’est déjà bien assez physique comme ça.

Arrivées en fin de journée, les copains nous ont réservé un spot de tente et même le dîner : les fameuses lasagnes du refuge. Excellentes, paraît-il… sauf pour ceux qui en ont trop profité (le ventre en a vu de toutes les couleurs le lendemain). Le gardien, lui, est… disons… mémorable. Une main de fer dans une casserole brûlante. Mais toujours de bons moments avec le groupe, autour d’un plat, d’un coucher de soleil et de quelques fous rires.

Jour 6 : Onda → Capanelle

Initialement, on devait s’arrêter à Vizzavona pour une pause bien méritée. Mais le destin (et le groupe de joyeux kinés) en a décidé autrement. On passe la matinée à marcher avec eux, à rigoler, à souffler un peu.

Arrivés à Vizzavona, déjeuner au resto : un luxe. Là, décision express : je poursuis l’aventure avec les gars du groupe. Marion reste avec les sœurs, et moi je file avec cette bande de quatre copains. Objectif : finir en 9 jours.

On repart dans l’après-midi, plutôt légers malgré la fatigue. L’ambiance est géniale, pleine de second souffle et d’enthousiasme. En fin de journée, on pose les sacs à Capanelle. Un vrai moment de transition dans l’aventure : une nouvelle dynamique, un nouveau rythme, mais toujours la même magie.

Jour 7 : Capanelle → Usciolu

Une longue journée nous attend. On attaque par 17 km de sentier roulant, qui passent presque trop vite. Un copain du groupe nous rejoint au col de Verde pour marcher un bout de chemin avec nous et les réapprovisionner. Sympa, non ?

Puis vient la montée interminable vers le refuge de Prati. Elle nous vide l’énergie, mais on garde le sourire. Pause déjeuner au sommet, puis l’après-midi, direction Usciolu.

On pensait que le Sud serait plus facile que le Nord… Erreur. Cette portion nous a mis un bon coup derrière la nuque. L’arrivée au refuge est un soulagement. On mange au chaud, à l’intérieur, entre éclats de rire et silence de fatigue.

Mes pieds ? En lambeaux. Littéralement à vif. Les compeed ne font qu’empirer les choses. Je serre les dents. La tête tient, alors le reste suivra.

Jour 8 : Usciolu → Asinau

Les départs sont de plus en plus tardifs, et curieusement… on est souvent les derniers à quitter les refuges. (Oui, les garçons sont bien plus longs à se préparer que nous les filles).

Encore une longue journée, ponctuée de jeux, d’anecdotes, et de pauses bien trop longues à midi (mais nécessaires pour nos corps fatigués). On traverse de belles bergeries et s’arrête pour un bon repas en terrasse.

Le sentier se poursuit dans la difficulté, mais la dynamique de groupe maintient l’élan. C’est notre dernière nuit en refuge… déjà. Un sentiment doux-amer m’envahit. Heureuse de m’approcher de la fin, mais déjà nostalgique de tout ce qu’on a vécu ensemble.

Jour 9 : Asinau → Conca

Dernier réveil, derniers lacets, derniers fous rires. On quitte le refuge encore une fois en bon dernier. On hésite à faire les Aiguilles de Bavella, mais la fatigue parle : ce sera pour une autre fois. Promis, je reviendrai.

Un couple d’amis des gars nous rejoint pour cette dernière journée. Nouvelle dynamique, nouvelles rigolades. On marche tous ensemble, c’est fluide, joyeux, émouvant.

L’arrivée à Conca est douce, pleine de sourires. Et là, cerise sur le gâteau : le couple rencontré dans le ferry nous attend au bar. On trinque tous ensemble à cette aventure partagée, un peu cabossée, beaucoup aimée.

Bilan de ce premier trek

Je décrirais le GR20 comme une aventure humaine avant tout. Si vous recherchez la solitude, ce n’est pas ici qu’il faut vous réfugier. J’ai été impressionnée par le nombre de personnes présentes sur les quatre premières étapes, ce qui est rassurant : peu importe ce qui peut vous arriver, il y aura toujours quelqu’un pour vous aider. Dès le premier jour, j’ai rencontré des personnes formidables avec qui j’ai pu marcher pendant des journées entières.

Mon aventure solitaire s’est transformée en une expérience humaine remplie de rires, de partage et de quelques souffrances. Grâce à cette aventure, j’ai pu construire de belles amitiés qui perdurent encore aujourd’hui. Ces rencontres m’ont également motivée à transformer ce voyage en un véritable défi sportif, me permettant d’achever cette traversée en 9 jours.

Malgré de gros problèmes avec mes chaussures, qui m’ont causé de très importantes ampoules, j’étais fière d’avoir terminé ce défi plus rapidement que prévu, et ce malgré la douleur. (Petit conseil : choisissez bien vos chaussures, elles sauveront votre périple !)

Partir seule dans ce type d’aventure vous permet de vous découvrir vous-même, de tester comment votre corps et votre esprit supportent de longues journées de marche et les douleurs qui surviennent, d’échanger et de partager des moments de vie simples, et de vous ressourcer loin des écrans (car oui, il n’y a quasiment pas de réseau).

Cette aventure, riche en émotions, a été extrêmement bénéfique pour moi. J’ai toujours voulu voyager, partir à l’aventure, tenter de nouvelles expériences et progresser sportivement. Cependant, je n’osais pas entreprendre ce genre de projet seule et restais toujours dans l’attente que quelqu’un m’accompagne. Avec cet état d’esprit, je n’aurais jamais entrepris le GR20 ni les voyages qui ont suivi.

Aujourd’hui, grâce à cette expérience, je me lance beaucoup plus facilement dans des défis ambitieux. J’ai surmonté la peur de partir seule dans l’inconnu et j’ai évolué à la fois sur le plan sportif et psychologique. Je souhaite à chacun de ne pas hésiter à se lancer en solitaire pour réaliser un projet ou une aventure qui vous tient à cœur depuis longtemps.

Trucs & Astuces

Réservations

  • Nuits en gîte, tente ou bivouac : Pensez à réserver vos nuits sur le site du Parc Naturel Régional de Corse (PNRC), que ce soit en gîte, en tente (fournie) ou en bivouac avec votre propre tente. Sans réservation, il n’est pas garanti d’avoir une place, même en bivouac !
    • Astuce économique : Réserver à l’avance en ligne coûte moins cher. Par exemple, un bivouac réservé sur place coûte 18 € par personne, contre seulement 9 € en ligne.
  • Bergeries privées : En dehors des refuges gérés par le PNRC, de nombreuses bergeries accueillent les randonneurs. Vous pouvez réserver en amont par téléphone ou directement sur place.

Repas

  • Si vous souhaitez dîner au gîte, arrivez avant 18h pour réserver votre repas. Passé ce délai, il faudra vous contenter de ce que propose l’épicerie (souvent des conserves, avec des prix assez élevés).
  • Chaque refuge dispose d’une petite épicerie pour vous réapprovisionner. Cela est d’autant plus utile que sur le GR20, contrairement à d’autres sentiers, vous ne traversez qu’une seule ville : Vizzavona.

Eau et météo

  • De l’eau potable est disponible à chaque refuge. En période de forte chaleur, prévoir environ 2 litres d’eau par personne entre chaque étape est suffisant.
  • Soyez attentif aux conseils des gardiens de refuge sur les conditions météorologiques. Évitez de vous aventurer si un orage ou de fortes pluies sont annoncés, car de nombreux accidents sont signalés chaque année.

Budget et équipements

  • Paiement : Prévoyez exclusivement de l’argent liquide, car aucun refuge n’accepte les cartes bancaires.
  • Chaussures : Optez pour des chaussures robustes, adaptées à la morphologie de vos pieds et déjà rodées. Le sentier est très rocailleux, et vos semelles seront mises à rude épreuve.

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